Agir dans l’intérêt de l’enfant dans une société promouvant l’autonomie : un objet de négociation entre des parents et des intervenants sociaux
- Promoteurs : Nicolas Marquis & Jean-Pierre Delchambre
- Financement : Bourse FSR
- Date de début : 2018
- Thèse soutenue le 04 septembre 2023
Le 04 septembre dernier, Fadoua Messaoudi a soutenu publiquement sa thèse intitulée "Le quotidien du travail sur autrui dans une société de l'autonomie. Les cas d’un Service d’accompagnement socioéducatif et d’une Maison d’enfants intervenant dans « l’intérêt de l’enfant »". Le jury était composé d'Aude Béliard (Université Paris Cité), Jean-Pierre Delchambre (UCLouvain SLB), Hughues Draelants (UCLouvain), Abraham Franssen (CESIR, UCLouvain SLB), Nicolas Marquis (UCLouvain SLB), Bertrand Ravon (Université Lumière Lyon 2) et Livia Velpry Université Paris Cité).
Résumé exécutif de la thèse : La thèse de Fadoua Messaoudi interroge la manière dont les travailleurs sociaux (psychologues, éducateurs, animateurs, sociologue, puériculteurs, psychomotricienne) de deux services bruxellois – un service d’accompagnement socioéducatif (SASE) et une Maison d’enfants – ayant pour particularité d’être mandaté ou agréé pour intervenir « dans l’intérêt de l’enfant » mettent, pour le dire de façon familière, les mains dans le cambouis lorsqu’il s’agit d’intervenir auprès de personnes qui ne souhaitent pas forcément être aidés, ou collaborer. En effet, travailler sur autrui dans nos sociétés libérales-individualistes, c’est-à-dire celles qui accordent une importance morale à l’individu et à son autonomie (Ehrenberg, 2010), suppose dans l’idéal d’ « accompagner » ou de « faire avec » le bénéficiaire, de favoriser le plus possible l’autonomie de la personne en cherchant à éviter l’utilisation de la contrainte, ou du moins, à n’y avoir recours qu’en dernier ressort. Cet idéal toutefois, est très souvent mis à mal par la pratique. Le travailleur social est souvent tiraillé entre des exigences contradictoires qu’il doit tenter de concilier : protéger malgré lui/elle, ou travailler avec son consentement ? Accueillir sans ne rien attendre ou favoriser sa participation ? Cette thèse prend pour objet d’étude ce corps de « métier impossible » en suivant Freud (i.e. il s’agit d’aider la personne à s’aider elle-même), pour qui résoudre ces dilemmes relève de la gageure en raison du caractère singulier et complexe de chaque situation. Le travail social se caractérise par une forte composante conjecturelle propre aux « professions à pratique prudentielle » (Champy, 2015) qui oblige les professionnels à faire face à de l’incertitude. La thèse a ainsi pour objectif de confronter la macro-hypothèse d’une société de « l’autonomie comme condition » à la façon dont elle est pratiquée en situation[1] : Comment, dans un contexte social où l’autonomie (à comprendre comme un ensemble de valeurs articulées entre elles) est valorisée, les travailleurs sociaux de deux contextes d’intervention différents (aide spécialisée et aide sociale générale) tentent-ils de tenir ensemble ce qu’ils sont dans l’obligation de faire et ce qu’ils font en réalité vu les circonstances imprévisibles auxquelles ils peuvent être confrontées ? Et poser la problématique de cette façon, faut-il le préciser, témoigne d’emblée de la nécessité de comprendre combien l’autonomie plutôt que d’être un acquis qui s’observe empiriquement, est une attente sociale, une idée-valeur qui structure – c’est du moins l’hypothèse de départ – les configurations relationnelles dans lesquelles prennent place les interventions des professionnels. Il est à noter que ce n’est pas une thèse qui dit de façon définitive ce qu’est une société de l’autonomie comme condition mais, de façon plus modeste, on peut dire que c’est une thèse qui contribue à éclairer de façon ancrée des débats autour de la société de l’autonomie comme condition.